Tu en avais des choses à faire, ces derniers temps, Ellie. Tu te rendais compte, que peut-être tu avais un peu abuser sur le nombre de cours que tu avais choisi de suivre cette année. Clairement, tu n'étais pas Hermione Granger, ton organisation laissait à désirer, tu n'avais pas encore trouver tes marques si bien que tu perdais un temps considérable, que tu n'avais pas, à chercher des bouquins, des salles, et même tes professeurs parfois. Pour autant, ça ne t'empêchais pas de mettre ton nez dans les affaires qui concernaient tes amies.

En début de semaine, Nao t'avais parlé de sa mésaventure avec un surveillant, et forcément, tu avais réagis au quart de tour lorsque la jolie rouquine t'avais annoncé avoir eu peur lors de cette rencontre nocturne. Elle t'avais pourtant demandé de ne pas agresser trop violemment le surveillant et pour lui faire plaisir, tu avais hocher la tête d'un air un peu dédaigneux. Clairement, tu ne pouvais pas lui promettre d'être tendre avec lui lorsqu'enfin, tu parviendrais à lui mettre la main dessus.

Cela faisait des jours que tu ouvrais l’œil, et le bon. A chaque fois que tu traversais le parc, ou un couloir, tu balayais la foule du regard pour tenter de capter un homme ressemblant de prés ou de loin à la description que ton amie t'avais fait de l'homme « attirant et mystérieux » selon ses propres mots, auquel elle avait eu à faire. Tu étais même allée faire quelques tours du côté de la salle du personnel ou la vie scolaire en espérant lui tomber dessus. En vain. Rien de rien. Personne ne correspondant selon toi au descriptif que tu avais n'avait croisé ta route ces derniers jours. C'est sans doute pour ça que tu avais fini par laisser tomber, un peu. Jusqu'à traverser le parc en courant pour échapper à la pluie battante … jusqu'à voir cette silhouette longer le mur, probablement pour rentrer.

Et tu ne sais pas pourquoi, Ellie, cet homme t’interpelle, mais tu t'arrêtes. Là, au milieu du parc, tu te plantes sous la pluie torrentielle, tu le regardes un moment avant de froncer les sourcils et de courir dans sa direction. « Hé, vous là ! » Et tu n'hésites pas. Tu es trempée. Il l'est aussi, mais tu le rattrapes en agrippant son bras. « C'est vous Monsieur Valdmaar ? » Son nom, tu l'as eu en fouinant, en posant des questions. Tu es persuadée que c'est lui, mais ça ne t'empêches pas de plisser les yeux, pour l'observer, pour trouver le côté « attirant et mystérieux » dont parlais la rouquine. Attirant, tu le vois. Mystérieux par contre ...

Tu te fiches de la pluie, Ellie. Tu es même complètement prête à l'oublier, prête à avoir cette « conversation » avec le surveillant – du moins tu le penses – ici, sous la pluie battante. Plusieurs fois, tu passes la main sur ton visage afin d'en chasser l'eau froide, tu es même obligée de remettre tes cheveux trempés en arrière une ou deux fois pour éviter qu'il ne te barrent la vue parce que, tu veux pouvoir l'observer, le détailler. Tu veux comprendre le pourquoi du comment, ce qui a pu mettre Naolane dans un tel état. Cependant, il ne t'en laisse pas réellement le temps. Tu as à peine le temps de le regarder, quelques secondes qu'il t'attrape à son tour, il t'attire à lui et l'un de ses bras passe autour de tes épaules, comme s'il voulait te préserver de la pluie. Surprise, tu ouvres grand les yeux pendant quelques secondes, et tu te le laisses même te guider jusqu'à ce que sois à l'abri de la pluie.

Là, Ellie, tu viens encore remettre tes cheveux en place, avant de souffler. Tu es trempée jusqu'aux os, mais ça ne t'empêches pas de lui lancer un regard noir avant d'ouvrir la bouche … puis de la refermer. Il vient une nouvelle fois de te prendre de court en t'invitant à rejoindre son bureau, soit disant pour les serviettes et là, en fait, tu vois rouge. Dans d'autres circonstances, tu aurais pu le trouver plutôt gentil, et même relativement charmant, même si tu n'étais pas la jeune femme la plus facile à charmer dans les parages. Seulement, tu es fidèle et loyale en amitié, et tu te refuses de rentrer dans son jeu, d'autant que tu as subitement l'impression que ton amie est tomber sur un abruti dont le jeu est de charmer les jeunes étudiantes qu'il peut croiser.

« Stop ! » Tu te plantes, droite, dégoulinante d'eau de pluie, mais le regard déterminé et aussi froid que peuvent être la couleur de tes yeux. « Les surveillants ont leur propre bureau … c'est le grand luxe, dites mois, Monsieur Valdmaar. » Et quoi, Ellie ? Est-ce que Nao serait tombée sur un pervers ? Au premier abord, comme ça, ça en a tout l'air, alors, tu t'avances, et tu te mets à le pointer du doigt. Un doigt accusateur que tu viens rapidement écraser contre sa poitrine. Il est plus grand que toi, de quelques centimètres, mais ça ne t'empêches pas d'être sûre de toi. « Vous avez fait peur à l'une de mes amies, l'autre soir. Je venais seulement vous dire que la prochaine fois que vous l'approchez pour la terroriser de la sorte, je m'arrangerais pour que vous soyez mis à la porte de cet Institut dans l'heure qui suit. »

Tu es dure, Ellie. Tu le sais, toi, puisque ça fait partie de ton caractère, mais ce que tu sais aussi, c'est que ça peut surprendre, parce que tu n'as pas l'air, en apparence, d'être teigneuse que tu peux l'être en réalité. Tu n'as aucun mal à déceler la surprise dans le regard de cet homme, et puis, tu y lis de l'incompréhension et durant un instant, ça t’interpelle, et ça te surprends, avant que tu n'en reviennes à te dire qu'il était probablement complètement dans le déni, ou en train de se fiche de toi. « C'est vous qui venez de parler de votre bureau, je vous signale. » Et pas une seconde, Ellie, tu ne te dis que quelque chose cloche, pas une seconde, tu ne songes à poser des questions supplémentaires pour être certaine que tu ne fais pas fausse route, non. A la place, probablement aveuglée par ta colère du moment, et par le culot que semble avoir ce type, tu t'agaces encore davantage, au point de te mettre à piétiner sur place. Tu as froid. Tu trembles. Tes vêtements sont lourds et désagréables sur ta peau. Et malgré tout, tu viens placer tes mains sur tes hanches, et tu lèves les yeux au ciel. « Votre nom, c'est bien Valdmaar, non ? Du coup, c'est bien vous. » Non seulement, il correspond plutôt bien à la description de Naolane, mais en plus, tu es sûre de toi en ce qui concerne son nom. Non, Ellie, il ne t'auras pas aussi facilement. Même si comme ça, à l'écouter, à le regarder, même si dans les gestes qu'il a envers toi … il a l'air plutôt doux, en particulièrement gentil.

Pourtant, tu l'écoutes. Tu l'écoutes même avec grande attention, même si à chacune de ses phrases, tu agites la tête pour montrer à quel point tu trouves ça ridicule. Il te mens, pour toi, il est carrément en train de te baratiner. « C'est bizarre, on m'a pourtant dit que vous bossiez presque toujours de nuit, sauf exception. » Le pire, Ellie, c'est qu'il a pourtant l'air sincère. Il n'a pas l'air de mentir. Il a même l'air contrarié par ce que tu lui racontes, et ça te mets le doute quelque part. « Vous me faites pas peur, à moi. Et puis, je suis curieuse de le voir, moi, votre fameux bureau qui n'est pas la vie scolaire. » Toi aussi, tu as du culot. Et tu sais t'affirmer. « Je vous suis. » De toute façon, il ne peut rien t'arriver ici. Et puis au pire, tu sais te défendre.

Ça bouillonne, Ellie. Et pourtant, à la base, tu n'étais pas si remontée que ça, c'est vrai, tu comptais simplement venir lui balancer des petites piques, tout en te faisant ta propre idée du personnage pour ensuite aller fanfaronner devant Nao. Mais là, évidemment, ça t'énerve. Soit il est très largement en train de te mener en bateau, soit, il y a une explication, et tu t'es lourdement trompé. Forcément, de ton côté, tu n'es certainement pas en état de faire la part des choses, aveuglée tout ce qui est présentement en train de grogner au beau milieu de ta poitrine. Alors oui, tu continues de faire la maligne et non, tu n'hésites pas à l'enfoncer davantage à l'aide de tes mots si bien qu'à un moment, tu as l'impression qu'il est à son tour particulièrement contrarié.

Et tu le suis. D'un pas décidé, tu lui emboîtes le pas et bien vite, tu vois bien que quelque chose ne va pas. Tu t'attendais à atterrir à la vie scolaire, ou du moins, dans le même coin, et là lui aurait pu lui lancer un gros « HA ! » … le problème, c'est qu'il emprunte la direction presque opposée, et toi, tu fronces les sourcils, comprenant enfin que vraiment, quelque chose ne tourne pas rond dans tout ça. « Mh … c'est pas tout à fait ce que j'ai dis non. » Et tu détournes les yeux, affichant cette petite moue, un peu gênée sans doute à l'idée de devoir déballer ton cheminement jusqu'à obtenir le nom de Valdmaar. D'ailleurs, tu te gardes bien de parler trop vite et de te lancer dans tes explications trop précipitées, en fait, tu contentes de garder le silence encore un bon moment, et ce n'est que lorsque tu as cette serviette entre les mains, que tu soupires, en t'essuyant un peu les cheveux qui sont finalement tellement gorgés d'eau que ça continue de goutter partout, malgré tout. Médecin scolaire qu'il te dit. Et c'est bien du côté de l'infirmerie qu'il t'a emmené, d'ailleurs, comme s'il te connaissais déjà assez pour savoir que tu allais protester, il te présentes un document sur lequel est bien écrit le nom de Valdmaar, ainsi que sa qualité de médicomage.

Tu attrapes le papier, tu le fixes, tu le retournes dans tous les sens, tu te mets même à faire les cents pas en marmonnant, la serviette sur la tête. C'est impossible que tu te sois trompée, tu n'as pas posé tes questions à n'importe qui, et d'après les réponses, tu sais que ce fameux surveillant portant le nom de Valdmaar existe réellement. « A vrai dire, j'en sais trop rien. Elle est sortie de sa chambre en pleine nuit, et le type en question lui ai tombée dessus. » Finalement, tu t'arrêtes, tu reposes le bout de papier sur une table, et tu croises les bras tout en fixant le médecin. « Elle me l'a décrit, et vous êtes vachement ressemblant à ce qu'elle a raconté. » Tu passes du coq à l'âne, ton discours est loin d'être organisé, et probablement que tu vas rapidement le perdre. « Elle m'a juste dit qu'il lui avait fait peur … qu'il avait l'air de lui en vouloir pour un truc et d'après ce que j'ai compris, il a juste l'air d'avoir des soucis de sale caractère. » Repoussant finalement la serviette humide de ta tête pour la laisser retomber sur tes épaules, tu lâches un gros soupire avant de songer à retirer ta veste en jean dégoulinante pour la poser sur le dossier d'une chaise. « Et j'suis certaine qu'il s'appelle Valdmaar, j'ai demandé à la vie scolaire, du coup, ce serait quoi l'explication ? Vous avez un double, un truc dans le genre ? »

Tu es bien décidée à avoir le fin mot de toute cette étrange histoire. Il y a quelque chose qui définitivement t'échappes, Ellie, alors tu continues, et le regard que tu lui lances ne laisses que peu de doutes sur tes intentions. Tu viens te placer là, juste devant son bureau, tu dégoulines encore, tu manques probablement clairement de crédibilité mais peu importe parce que, quand il te dit qu'il pense savoir de qui il s'agit, ton cerveau se met de nouveau en marche à puissance max. Et tu cogites. Et tu t'agites, encore et toujours. Et tu aimerais vraiment qu'il t'explique, parce que, tu es si agacée par tout ça, que ça te semble n'être qu'un gros sac de nœuds dans lequel, évidemment, Nao s'est emmêlée.

Pourtant, malgré tous les signes d'impatience que tu t'efforces de lui montrer, le médecin ne semble pas réellement décidé à te dire clairement de quoi il retourne. Tu te mets alors à penser que peut-être, tu pourrais t'en remettre à lui et qu'il te suffira de venir le questionner un peu plus tard, d'ici un ou deux jours, environ, pour voir s'il était plus disposé à te fournir les informations que tu convoitais tant. « Une douche. » Tu ne répètes que ces mots, le regard fixé sur cette porte qu'il vient d'ouvrir et tu vois, Ellie, c'est à ce moment précis, et seulement à ce moment que tu te rends compte à quel point tu as froid, maintenant qu'il le dit. Tu trembles. Tes vêtements sont lourds, glacés, et désagréables au contact de ta peau. Tes cheveux sont dans un état déplorable et clairement, tu n'es pas particulièrement en état de rentrer, de regagner ta chambre en ville pour te changer. Du coup, si tu es réticente, tu finis par balayer tes quelques doutes … Après tout, contrairement au portrait que t'avais fait Naolane de son surveillant, le médecin scolaire, lui, avait l'air particulièrement gentil, et prévenant. Il n'avait rien fait pour te mettre mal à l'aise et ce, malgré le ton désagréable que tu avais employer avec lui.

Tu finis donc par avancer vers la salle d'eau, et ce n'est que dans l'encadrement de la porte que tu t'arrêtes pour l'observer à nouveau. « Je lui dirais. » Finis-tu par lâcher. Et pour la première fois depuis le début de cette pseudo conversation, tu lui souris. « Mais ça ne m'empêchera pas de revenir vous poser des questions là dessus. J'attends que vous me donniez le fin mot de l'histoire, Monsieur Valdmaar. » Tu finis par entrer, et tu fais coulisser la porte pour te débarrasser de la serviette, puis de tes bottines. Après ça, tu reviens te coller contre la porte puis simplement hausser le ton et lancer : « Je m'appelle Ellie ! Et mon amie Naolane. » Là dessus, tu t'éloignes à nouveau, et tu finis de te débarrasser du reste de tes vêtements que tu déposes non loin de la porte, dans un coin avant de te glisser sous la douche pour profiter de l'eau chaude qui te réchauffes peu à peu et te fais reprendre quelques couleurs.

Tu ne tardes pas trop, sous cette douche, Ellie. Pourtant, tu prends quand même le temps, et si à la base, tu ne voulais que prendre une douche rapide, simplement pour lui laisser le temps de sécher tes vêtements, tu laisses quand même les minutes s'égrainer, et tu profites au moins un instant de plus de l'eau chaude qui réchauffe et apaise ta peau malmenée par le froid et l'humidité de l'averse que tu viens de prendre sur le nez. Lorsque tu coupes l'eau, et que tu ressors avec une serviette douce autour de toi, tes vêtements sont secs, comme promis, alors tu enfiles le tout rapidement, et tu t'occupes de sécher tes cheveux d'un coup de baguette avant de sortir de la salle d'eau. « Disons que ça a tenu ses promesses. » Dis-tu alors simplement, pour lui répondre, tout en approchant du bureau devant lequel tu viens t'installer. L'infusion sent délicieusement bon, quand bien tu n'as jamais été fan de ses eaux aromatisées – c'est comme ça que tu appelles ça – tu dois bien avouer que l'odeur qui se dégage de celle-ci est reposante, et apaisante. « C'est … très gentil. » Surprenant, n'est-ce pas ? Il y a bien longtemps qu'on avait pas pris soin de toi comme ça, en quelques sortes, et si ce n'est probablement rien du tout à ses yeux, pour toi, c'est énorme. Parce que tu vois, Ellie, tu te rends compte dans ces moments là à quel point ces dernières années ont pu être difficiles. Tu as perdu ton père. Tu as perdu ta mère. Et si tu as eu le temps d'apprendre que tu avais un autre père, ton vrai père, tu n'auras même pas eu le temps de le lui dire, de te présenter à lui, et de le connaître comme un père, et non plus comme un simple professeur. Ton monde s'est effondré, et si tu as tenu le choc, c'est uniquement parce que tu es forte, parce que tu es un roc. Le genre qui peut prendre les vagues de face sans bouger d'un iota, mais qui peu à peu s’abîme sans que ce ne soit forcément perceptible.

Tu viens donc attraper doucement la tasse, avant de t'enfoncer un peu plus sur ton siège. Si tu ne viens pas boire directement, tu approches le breuvage de ton nez pour le respirer durant de longues minutes. « Je vais bien, je suis plus solide que j'en ai l'air, Docteur Valdmaar. » Et le revoilà sur ton visage, ce sourire, celui qui n'appartient qu'à toi, si doux et à la fois, si énigmatique. Il a probablement bien des significations, et toi-même tu n'en connais pas la moitié. Mais tu le lui offres, avant de souffler sur la tasse pour venir boire ton infusion.

Et puis, à un moment donné, tu te redresses, et sans même avoir pris le temps de goûter aux cookies, tu te lèves et tu reposes la tasse sur le bureau. « Merci. Pour la douche, et l'infusion, et pour le reste aussi. » Tu attrapes ta veste, sèche, elle aussi, là où tu l'avais laissée tout à l'heure. « Je m'excuse de vous avoir pris à parti de cette façon. Je dois rentrer, maintenant mais … je suppose que nous serons amenés à nous revoir. »