Ce hibou de malheur avait débarqué en trombe dans ton appartement, par tu ne savais toujours pas quel miracle, tu l'avais vu de loin, amorcer sa descente en direction de ta fenêtre et tu avais à peine eu le temps d'ouvrir cette dernière qu'il s'engouffrait à l'intérieur à la vitesse de la lumière faisant voler les pages du journal vous finalement aller se poser sur l'étagère en la faisant basculer d'un côté. Tu t'étais mis à pester, lorsque tu avais du te hisser pour attraper le bout de papier qu'il tenait entre les griffes de sa patte droite. Un simple mot griffonné à la va vite qui t'avais fait froncer les sourcils et auquel tu avais répondu en indiquant l'adresse d'un tout petit pub, en bas de chez toi, avec un horaire.

Pour une fois dans ta vie, Leith, tu avais pris de l'avance. Te proposer d'aller boire une bière n'était pas vraiment dans les habitudes de ton frère et puis, il y avait ce courrier aussi, celui qui était arrivé dans ton casier à l'Institut mais qui en réalité, lorsque tu l'avais ouvert, s'était avéré être pour Caith. Si tu avais des soucis, ces derniers temps, il te semblait que, contre toute attente, ton frangin n'en menait pas large non plus et tu avais relativement hâte de savoir de quoi il pouvait bien retourner. Du coup, tu étais arrivé environ dix minutes avant, et puis tu t'étais installé dans un coin sans rien commander dans un premier temps, attendant simplement que Caith fasse son entrée.

Il ne tarde pas à se montrer. Et tu vois, Leith, tu as beau faire comme si ce fameux lien des jumeaux n'existait pas entre vous, le fait est qu'il y a bien un truc assez particulier entre toi, et Caith. Quand quelque chose ne tourne pas rond chez ton frangin, tu le sens, tu le lis. Tu le vois. Et là, clairement, c'est le cas. Il n'y a de naturel chez lui ce soir, pourtant, tu le laisses s'installer, tu ne dis pas un mot contrairement à lui qui à chacune de ses paroles, te confortes dans l'idée qu'il s'est passé quelque chose. Heureusement pour lui, tu n'as jamais été du genre à asticoter les autres, tu n'aimerais pas qu'il le fasse si tu étais à sa place.

« Mouvementé, mais j'ai connu pire. » Et pour cause, le matin même tu ramenais Naolane à l'Institut après t'être endormie la veille avec la jeune femme dans les bras. Évidemment, tu te gardes bien d'annoncer de telles choses étant donné que tu étais censé mettre de la distance, et non pas la ronger entièrement. « Ça me va. » Et c'est là dessus que tu te lèves, que tu vas jusqu'au bar pour récupérer deux choppes de bière que tu viens déposer sur la table avant de retrouver ta place. Et s'il y a bien une chose qui ne fait partie de ton caractère, Leith, c'est la patience. Du coup, alors que tu fixes un instant ton frangin, tu finis par craquer. « T'as l'air fatigué ? T'as trop de boulot ? »

Oh tu le vois, hein, ce regard inquisiteur tout à coup, qu'il te lance. Pourtant, à ta grande surprise, il ne va pas au bout des choses, il se ravise, s'enfonce sur sa chaise avant de se mettre à boire. Une sacrée descente, d'ailleurs, et si ce n'était pas complètement à l'opposé de ce qu'est ton frère, tu aurais pu en rire, voir être impressionné. Là, en revanche, tout ce que tu fais, c'est plisser les yeux en l'observant. Tu devrais insister, d'ordinaire, c'est même ce que tu aurais fait mais tu as comme l'impression que si tu forces trop, là, maintenant, il risque de se refermer comme une huître, de te dire de laisser tomber, et puis de quitter cet endroit en te laissant en plan avec ta bière même pas entamée.

« Le Cursus de Magie Noire ? » Que tu répètes alors, soudainement. Franchement, tu ne vois même pas ce qui pourrait faire que Caith s'intéresse à ce genre de chose. Cependant, Leith, tu n'as pas manqué de noter dans un coin de ta tête cette histoire de cas particulier, d'ailleurs, tu as même fait un lien direct et instantané avec ce courrier, plié en deux, qui traîne en ce moment même dans la poche de ta veste. « Non, pas vraiment, j'ai juste entendu dire qu'ils avaient trier les profs sur le volet, histoire d'éviter les problèmes. Normalement, ils sont fiables, pourquoi ? Y'a eu un soucis ? » Un soucis dont tu n'aurais pas entendu parler à la vie scolaire, c'est bizarre, mais en même temps, il est vrai que tu n'as pas pour habitude de laisser traîner tes oreilles là où elles n'ont pas lieu de se trouver.

Il a commencé à te perdre totalement,, lorsqu'il s'est mis à parler de Magie Noire. Tu peines à remettre les choses en l'ordre, tu ne vois pas ce que ça peut bien venir faire là-dedans, et le pire, Leith, c'est que tous les scénarios qui te viennent en tête te paraissent si invraisemblables en connaissant Caith, que tu les abandonnes avant même d'avoir commencer à y réfléchir plus sérieusement. Cette école est neuve. Si tu ne l'as pas vécu, tu sais ce qui est arrivé ici deux ans auparavant alors, franchement, tu ne doutes pas du fait que ce genre de cursus soit surveillé de près. Pour toi, il ne peut tout simplement pas y avoir de vrai problème, du moins rien qui ne soit déceler assez rapidement.

Et tu es surpris. Parce que tu te rends compte que même s'il t'a posé la question, il est quand même allé vérifier de lui-même et pour qu'il se lance là-dedans, pour qu'il se mette à douter des gens, c'est qu'il y a vraiment quelque chose qui l'intrigue, voir même, qui lui tiens à cœur. « Quoi ? Mais t'es sûr que c'était de la Magie Noire ? » Tu t'es penché sur la table, tu as même éloigné un peu ta bière, parce que tu te retiens de parler trop fort tant le sujet pourrait être épineux en Angleterre. « T'en as parlé au Recteur ? Tu l'as signalé ? » Bizarre encore une fois qu'un truc pareil ne te sois pas arrivé aux oreilles … « Attends, pourquoi t'aurais pas le droit d'en parler ? Qui te l'as interdit ? » T'es subitement dans tous tes états tiens, parce que, c'est pas anodin, et tu le sais, et ce genre d'affaire pourrait aller très loin. « C'est pas à toi de gérer ça de toutes façons … elle va bien au moins cette gamine ? »

Il l'a soignée, ouais. Jusque là, Leith, c'est plutôt cohérent et normal, puisqu'il s'agit de son boulot. Et puis, pour la suite, tu lui fais confiance, tout simplement. Évidemment que Caith est doué, autant que tu l'es pour te battre une baguette à la main. Chacun son truc, vous deux jumeaux que bien des choses opposent, mais ça n'empêche pas que vous êtes tout à fait capables de vous comprendre. Et là, Leith, ce que tu comprends quand il continue son petit discours c'est qu'il a anguille sous roche, clairement.

« Attends. Stop. T'es donc en train de me dire que t'as soigné une fille, blessée par de la magie noire, qu'elle t'as demander de ne rien dire, et que toi … tu l'as écoutée ? » Ouais, là, y a un truc qui cloche. Tu l'entends encore te faire la moral l'autre soir sur ce qu'il était bien ou pas de faire, et là, il se plante en beauté sur un truc aussi stupide que ça. Pourtant, ça tombe sous le sens, que c'est grave ce genre de truc, non ? Toi même ça te viens naturellement à l'esprit de balancer le bébé aux autorités compétentes, parce que même toi, ça te dépasserait complètement et lui. Lui. Il garde tout pour lui. Du coup, ouais. Tu souffles, tu soupires, et bien à ton tour, tu viens prendre une grande gorgée de ta bière, comme si ça allait t'aider à y voir un peu plus clair. « Nao ? De la magie noire ? Non. Ce serait même tout l'inverse, elle m'a l'air de maîtriser les soins plus que le reste. » Tu l'avais vu soigner ton œil, et tu l'avais aussi vu tenter tu ne savais même pas quoi dans le parc, la première fois. C'était clair, pour toi, Naolane était de ces sorcières qui maîtrisaient bien mieux les soins que le reste, alors la Magie Noire. C'était non. « T'es malade ou quoi ? » Tu fronces les sourcils, tu es toujours en train de fixer ton frère, mais plus durement cette fois. Nao, tremper dans un truc aussi dingue ? Tu n'y croyais pas une seconde, quand bien même tu ne pouvais clairement pas affirmer la connaître tant que ça. « Tu prends des risques avec cette fille, Caith, t'es tombé sur la tête ou quoi ? »

Il lui a donner sa parole qu'il te dit. Non mais sérieux, t'as l'impression d'être tombé au plein cauchemar, là, à quel moment ton frère, si intelligent était devenu subitement aussi con ? « Oh bah ça explique tout alors ! » Que tu finis par balancer, ironique. « Non mais tu lui as offert ton cerveau en guise de parole ou quoi, Caith ? » Ça y est, il te rend dingue, c'est terminé. Il t'as perdu, là. A quel moment, enfin ? C'est fou, ça hein, d'agir de cette manière et de ne même pas se rendre compte des choses. Franchement, Leith, si vous n'étiez pas dans un lieu public, t'aurais probablement déjà commencé à lui mettre des claques.

« Mais tu te rends compte de ce que t'es en train de raconter ? Tu accuses deux gamines de faire de la Magie Noire en douce ? » Il va loin. Et toi, tu n'y crois pas une seconde, du moins, pas en ce qui concerne Naolane. « C'est pas parce qu'elles sont amies qu'elles sont toutes les deux dans les mauvais coups. » Et tu soupires, et tu viens boire le fond de ta bière d'un trait cette fois parce que t'as besoin de digérer les choses, là. « Et pourquoi ce serait à toi de le faire, hein ? Tu perds les pédales, c'est toi qui me disait de conserver une distance avec Nao parce que c'est une étudiante, et tu te fous dans la merde de troll à cause de qui ? Une étudiante ! » Est-ce que tu serais pas un tantinet agacé, Leith ? Si. Complètement. Tu l'entends encore te faire la morale au beau milieu d'un couloir, et le voilà qui débarque, devant toi, pour te raconter une histoire pareille. « C'est quoi l'histoire au juste, il se passe quoi dans ta tête ? » C'est comme ce truc là, cette lettre que tu n'avais pas comprise parce que pour toi c'était du charabia mais qui avait été envoyée accompagnée d'une facture bien salée au nom de ton frère. Pas de l'école, non. De ton frère, personnellement.

C'est ça. Peut-être que s'il te raconte tout, du début, jusqu'à la fin, tu comprendras un peu mieux où il veut en venir et ce qu'il est en train de trafiquer avec cette … Ellie. Tu n'attends que ça. Qu'il te réponde franchement et peut-être un peu plus calmement aussi. Parce que recevoir des bribes de trucs, de soupçons, d'histoire, ça commence très sérieusement à te courir sur le haricot, tu vois. Mais non. Non, il ne serait définitivement pas un Valdmaar s'il réagissait posément, forcément. Et le voilà subitement, qui se mets à te balancer des piques, et la première, finalement, tu la prends plutôt bien. Quand bien même c'est lui qui t'as dis de continuer à fuir, après avoir expliquer les choses à Nao, évidemment mais … Ce n'est pas bien grave, Leith. Tu te contiens. Tu restes assis. Tu souffles un grand coup. En revanche, lorsqu'il revient à la charge, et qu'il à même l'audace certaine de mentionner Amélia, ouais, c'est vrai. Tu vois sacrément rouge, mon vieux. Tu sers les dents, tu sers les poings dans tes poches, tu le fixes alors qu'il s'agite et qu'il finit même par faire le choix de se barrer, sans payer sa tournée en plus !

Il est hors de question que tu le laisses faire. Alors oui. Tu te lèves, tu viens poser un billet sur le bar et puis, tu te précipites vers la sortie et lorsque tu rattrapes Caith, c'est pour tapoter son épaule afin de le faire se retourner, et une fois que c'est fait, tu lui balances ton poing au visage. « Bien ! Maintenant que ça s'est fait, j'espère t'avoir au moins contribuer à te remettre les idées en place. » Et puis surtout, le coquard que ça allait lui laisser était un juste retour des choses. Le truc, c'est que tu es loin d'en avoir fini avec lui, alors tu l'attrapes par le col de sa veste, et tu l'embarques avec toi dans une ruelle proche pour finalement l'envoyer contre un mur et sortir de ta poche ce fameux courrier. « Avant que je puisse te donner ce truc, j'aimerais comprendre … qu'est-ce qu'elle a de si spécial pour que tu te mettes dans des états pareils, hein ? » Toi, tu avais une excuse, en ce qui concernait Naolane. Une excuse que ton frangin ne pouvait définitivement pas ignorer, et qu'il était en mesure de comprendre. Alors vraiment, tu voulais savoir ; c'était quoi la sienne ?

Tu ne vas pas le lâcher avant d'avoir eu tes réponses, ça, c'est une évidence. Tu sens qu'y a un truc, et tu vois pas trop pourquoi il continue de s'acharner à te cacher ça, à toi. Après tout, de ton côté, tu n'avais pas mis bien longtemps à tout lui balancer, et surtout, à tout lui expliquer concernant Nao, quand bien même ça avait été compliqué pour toi, et quand bien même aussi, tu aurais voulu tout garder pour toi. Alors oui, te voilà à agiter ce foutu papier sous son nez, et au fond, tu sais qu'il sait de quoi il s'agit. Et tu sais que ça à du pouvoir sur lui. Tellement de pouvoir d'ailleurs qu'il ne tarde pas à se mettre à table.

Et tu l'écoutes. Tu restes là, face à lui, à l'observer, et à prendre note de chacun de ses mots. Et tu comprends. Tu comprends qu'il n'est pas loin d'être dans la même merde que toi, tu ne sais juste pas à quel point. La première pensée qui te traverse, c'est qu'en pensant pouvoir s'en débarrasser si facilement, tu sais toi, qu'il se fourre très probablement le doigt dans l’œil jusqu'au coude mais ça … tu vas éviter de le lui dire, ce serait jeter de l'huile sur le feu. « Je vois. T'es atteins. » Le pire, c'est la neutralité que t'affiche en balançant un truc pareil. Tu finis par soupirer, encore, et puis tu fais un pas vers lui. « J'ai une dernière question … très importante. Après ça, je te donne ce foutu papier ... » Plus besoin de poser de question, ce qu'il venait te dire expliquait largement la facture que tu avais trouvée là-dedans. « Est-ce qu'elle est belle, au moins ? » Pire frère de l'univers Leith.