Tout s'est déroulé sans un accro, aujourd'hui, Leith. Le calme plat. Rien. La rouquine n'est même pas réapparut dans ton champ de vision, et si tu t'es arrangé pour ne bosser que de nuit, histoire de ne pas avoir à la croiser dans chaque recoin de couloir, tu ne l'as pas non plus revue sortir de sa chambre en douce ce qui, pour toi, est une très bonne nouvelle. C'est probablement pour ça que tu as mangé avec appétit, ce soir, et que tu es même en train de finir ton dessert sucré quand soudainement, une voix résonne dans le couloir te faisant sursauter. La délicieuse pâtisserie pleine de crème que tu tenais dans tes doigts glisse, elle vient s'écraser au sol et si tu la fixes un court un instant, un air désolé ancré sur le visage, tu finis par relever la tête et à planter ton regard dans celui de … ton frère. « Oh j'y crois pas ça ... » Tu n'avais pas la force de poser la question, tu ne savais pas ce qu'il fichait ici, et clairement Leith, tu ne voulais pas le savoir. Le ton qu'il venait d'employer avec toi supposais qu'il y avait un soucis et en ce moment, les soucis, tu ne voulais qu'une chose : les esquiver. « On vient de le faire. Je dois aller travailler. Bonne nuit, Caith. »

Ah oui. Parfaitement. Tu es bel et bien en train de prendre la fuite, là, tout de suite. Peu importe ce que Caith pourrais bien avoir à te dire. Il est venu te trouver, ici, dans un couloir, à cette heure tardive pour te glisser ces quelques mots sur le ton de la gravité. Alors non, tu ne veux pas l'entendre et pour ça, tu traces à travers le couloir, comme s'il allait abandonner, comme ça, juste parce que tu le lui demandes. Ce serait cependant mal connaître ton frère. Toi, tu aurais continuer de le harceler, à sa place, et vu que vous êtes frères, et que vous êtes jumeaux, de surcroît, tu sais que c'est ce qu'il va faire.

Pourtant, tu roules des yeux lorsqu'il le fait. Et tu soupires, aussi. Et ce que lorsqu'il commence à te parler de te faire virer, et de ton soit disant comportement que tu t'arrêtes enfin. « De quoi est-ce que tu parles ? » Qu'est-ce qu'il pourrait bien savoir que tu ignores d'abord, hein ?

Subitement, forcément, tu es curieux. Et tu l'écoutes. Même si ça t'agaces, même si au fond, tu ne veux rien savoir, si tu aurais aimé que cette journée se finisse comme elle avait commencée et comme elle se déroulait jusqu'à ce que ton imbécile de frère ne vienne faire s'écraser ton dessert par terre. Et tu le vois bien, que tu l'énerves autant qu'il t'énerve là, maintenant. Mais ça ne t'empêche pas de continuer, d'adopter cette attitude nonchalante, parce que, de toute façon, tu n'as rien fait de si grave que ça, si ?

« Qu'est-ce que … quoi ? » Stop. Récapitulons la situation. Toi. Le « surveillant Valdmaar » tu aurais donc … tu aurais donc quoi, d'abord ? Non, vraiment, tu n'as rien fait à personne. A part l'autre fois, avec la rouquine, quoi. « Oh … oh, attends. Elle était rousse ton étudiante, là ? » Sérieux, Leith. Tu viens à demi-mot d'avouer à ton frère que tu avais en quelques sortes, bel et bien donner à quelqu'un des raisons de se plaindre de toi. « Non parce que si c'est elle. C'est pas ce que tu crois. » Et puis d'abord. Qu'est-ce qu'il croit, en plus ?

Sérieusement. Après tout ça, elle serait juste allée se plaindre de toi quelque part, à quelqu'un ? Là, franchement, c'est le monde à l'envers. C'est vrai, c'est pas comme si tu lui avais demander de rester loin de toi, de s'éloigner de toi, tout ça. C'est elle qui n'avait cessé d'insister, encore et encore, au point où toi, tu avais cru que tu allais devenir dingue si elle continuait de t'asticoter de la sorte et là. Là, tu apprends que toi, tu aurais eu un mauvais comportement vis à vis d'elle.

Tu voudrais te mettre à faire les cents pas, pour passer tes nerfs, mais Caith t'en empêche, il attrape ton avant-bras, fermement, et le voilà qui se met littéralement à paniquer et toi, tu clignes plusieurs fois des yeux en le regardant s'agiter comme si tu venais de commettre un meurtre sous ses yeux innocents. « Une amie ... » Que tu marmonnes. Elle en avait parler, donc. Peut-être qu'il allait falloir que tu lui en touche un mot et que tu … « LA FRAPPER ? » Et tu réagis. Tu imploses. Tu exploses. Tout ça en même temps, quoi ? « Non mais t'es complètement malade ?! Tu me crois vraiment capable de frapper une femme ? Une fille … une étudiante quoi. » Alors là, Leith, tu tombes de haut. Non parce que, tu le sais que tu as mauvais caractère, mais de là à ce que ton propre frère en vienne à s'imaginer que tu puisses lever la main sur une jeune femme. Aurais-tu par hasard changer de dimension sans t'en rendre compte ? « Je l'ai pas touchée. » Alors, si en fait, un peu. Mais tu ne l'as pas frappée, ça c'est certain. « Enfin, si mais je lui ai pas fait de mal. »

Non, pas le moindre mal. Bon, c'est vrai que t'as peut-être été un peu brutal sur le moment, mais c'était pour lui faire comprendre les choses, pour lui faire peur aussi. Tu voulais qu'elle s'éloigne, qu'elle te fuit et tu avais d'ailleurs plus ou moins réussi ton coup puisqu'elle avait elle-même écourté sa punition, punition qu'elle avait d'ailleurs elle-même provoquée dans le seul but d'être dans tes pattes. Le truc, c'est que visiblement, pour te défendre, ou pour t'expliquer, tu es complètement nul. Tu penses avoir été clair, résultat ? Pas du tout. Et les mots que tu lances à ton frère dans le seul but de le calmer, afin qu'il arrête deux minutes de te regarder comme si tu allais finir à Azkaban dans l'heure ne font que l'énerver encore plus.

Subitement, il en est à te hurler dessus au milieu du couloir, et il t’asticote, encore et encore. Non vraiment, il est intelligent Caith et pourtant, il comprends rien à rien. Et ça t'énerves autant que ça te vexes qu'il continue de penser que t'aurais pu jouer au salaud à ce point, avec une étudiante, un soir, sur ton lieu de travail. « MAIS ARRÊTE DE HURLER. » C'est vrai quoi, on pourrait l'entendre, du coup, tu hurles dessus, comme ça, on vous entendra tous les deux. Merveilleuse idée que voilà, Leith. « Et puis en plus, c'est elle qui m'a sauté dessus ! Je lui ai dis moi que je voulais pas, mais elle a continué de me coller alors évidemment que j'ai craqué au bout d'un moment, tu me connais. » Et voilà, maintenant, tu fais les cents pas, les mains derrière la tête comme un condamné qu'on va conduire en taule, tu essaies d'évacuer le trop plein de stresse en soufflant, en inspirant, en expirant. « Ah je te jure si je lui remets la main dessus ! »

T'y crois pas. Non, franchement, même si c'est la réalité, tout ça, pour toi, ça a des allures de cauchemars dont tu voudrais te sortir, une bonne fois pour toute, parce qu'il faut dire la vérité, c'est toujours le même, c'est toujours à cause d'elle. A cause de cette même fille, celle que tu as l'impression d'avoir à nouveau sous le nez comme une vile tentation qui ne sert qu'à te faire littéralement péter les plombs. On peut te traiter de fou, Leith, parce qu'au fond, peut-être que tu l'es un peu. Mais tout ça pour toi, c'est réel. T'aimerais juste qu'on te laisse tranquille parce que tu continues de te demander ce que t'as pu faire au monde pour mériter ça.

Alors oui. Tu es confus. Si tu comprends ce que tu racontes, parce que les détails sont dans ta tête, en face, Caith est libre d’interpréter tes mots qui prêtent à confusion comme il le souhaite. Et évidemment, il est dans un tel état qu'il s'enfonce encore davantage dans son film un peu sordide. Et toi qui peine à t'exprimer, toi qui ne parviens pas à dire les choses plus clairement. Il ne faut pas bien longtemps pour que le poing de ton frère vienne s'écraser contre ton visage, et pour qu'il fonde littéralement sur toi, croyant probablement faire justice.

Le soucis, mon vieux, c'est que t'as un vieux caractère et surtout, que t'es un peu monté à l'envers. C'est pour ça que tes explications sont aussi décousues. Lorsque ton frangin te cogne, lorsqu'il te menace, tu vois rouge, et tu mobilises toute ta force pour le repousser. Sa baguette, tu l'ignores, tu n'as jamais crains la menace d'une baguette et franchement, tu ne penses pas Caith capable de te lancer le moindre sortilège. Des deux, tu es celui qui est le plus doué à ce jeu là. Non, tu ne cherches pas à le calmer par les mots, parce que de toutes façons, tu risques d'aggraver les choses. Tout ça, ça te gave. Ça te fatigue. T'es au bord de la crise de nerfs. « Est-ce que tu veux bien cesser deux minutes de te faire des films ? » Tu grognes. Tu grondes. « Si je lui ai fais peur, c'est parce qu'elle m'a surpris, je l'ai trouvée hors de son dortoir, je lui ai passé un savon, et oui, j'y ai été un peu fort, c'est vrai, mais je n'ai rien fait de plus que ça. C'est elle qui est revenu vers moi, pour on ne sait quelle obscure raison, elle qui a fait en sorte d'être collée l'autre soir pour traîner dans mes pattes et encore elle qui s'est mise en tête de me poursuivre. » T'es à bout de souffle. Et tu te remets à marcher, encore, et encore, et puis subitement, tu reviens sur ton frère, et tu le pousses d'un coup sec. Comment est-ce qu'il peut s'imaginer que tu sois capable de ça ? T'es quand même pas un type violent. T'as jamais été un mec tordu à ce point non plus. Toi ? Frapper une fille ? Violer une nana ? Franchement. Tu fuis la gente féminine depuis des lustres. « Je lui ai dis de rester loin de moi parce que c'est son portrait craché, elle pourrait me rendre dingue, elle y arrive déjà. J'essaie de la protéger, sombre abruti. »

Enfin, Leith. Enfin, tu es parvenu à lui fournir une histoire cohérente, avec un début, une fin et un contenu. Ni plus, ni moins que la vérité, en fait. Et ça te soulage. Ça te soulage, d'une part, parce que tu sens la pression redescendre, mais ça te soulage aussi de pouvoir parler de ça, parce que clairement, tu t'en rends compte, maintenant, mais c'était en train de te bouffer de l'intérieur. Tu souffles, un grand coup. Et puis, alors que Caith se laisse glisser contre le mur, tu viens tout bêtement t'installer à côté de lui, par terre, le dos appuyé contre le mur froid. Tu gardes le silence un moment, avant de t'étirer, t'étaler tes jambes devant toi. « Ça me hantais plus jusqu'à ce qu'elle apparaisse. » Tu y étais arrivé, Leith. Tu avais eu du mal à passer à autre chose et à te décider à vivre pour de bon. S'il y a bien un domaine dans lequel tu manques de force, c'est celui là, quand tes sentiments entrent en jeu. Ça avait juste été difficile de retomber sur tes pattes, une minute tu t'imaginais l'embrasser, et la prendre dans tes bras, et la suivante, tu la voyais s'éloigner au bras de ton ancien meilleur ami. Ce genre d’ascenseur émotionnel, c'était pas pour toi. « Ouais … elle lui ressemble vraiment. » Et tout en passant une main sur ton visage, c'est celui de la rouquine qui revient là, dans ta mémoire. « C'est son portrait craché, au point où j'ai cru l'avoir devant moi, l'autre soir. » Tu agites la tête. Ça te fais chier, franchement, parce que si jusqu'ici, ça n'impactait que toi, tout ça, tu avais impliqué une gamine innocente dans l'histoire, maintenant. Et le pire, c'est qu'elle refusait de te lâcher la grappe maintenant. « Nan, surtout pas. Je veux juste la tenir à l'écart … y'a un truc chez elle. Je sais pas ce que c'est, elle est différente d'Amélia, je saurais pas l'expliquer mais ça me rend dingue. Je suis même pas certain de réussir à rester à distance, encore moins si elle continue à me poursuivre comme elle le fait. »

Tu as, de nouveau, un lourd soupire. Tu le sais tout ça, Leith et contrairement à ce que l'on pourrait penser en te voyant agir et réagir ces derniers temps, tu n'es pas complètement idiot. Tu sais parfaitement a quoi tu t'expose, si tu te laisses absorber par le regard de Naolane. Tu sais que tu pourrais te brûler, que tu pourrais lui faire du mal aussi, parce que qui aime intéresser, juste a cause d'une stupide ressemblance physique ? Quand bien même elle est flagrante. Tu ne veux pas de ça. L'idéal serait tout bêtement que chacun retourne de son côté, fasse comme si rien n'était arrivé. Tu aimerais être capable de l'ignorer tout comme tu aimerais qu'elle en fasse de même mais … vraisemblablement, vous êtes tous les deux coincés par quelque chose de plus fort. Et ça, c'est effrayant.

"Figure toi que je sais tout ça." C'était si facile à dire, lorsque tu entendais Caith le dire, tu pouvais presque t'imaginer de sortir de tout ça en un claquement de toi mais évidemment la réalité était toute autre. "T'as peut être raison … j'en sais rien. J'essaierais de lui en parler, si elle me retombe dessus. De toute façon ça peut pas être pire que ça ne l'est."

Et puis tu finis par te redresser et à te remettre sur tes jambes. Tu t'étires, avant de reposer les yeux sur ton frère. "Tu vas t'en sortir avec l'autre gamine ? Heureusement qu'elle est tombée sur toi …" Par Merlin si tu lui avais fait le même cinéma étrange qu'avec ton frangin, c'aurait été une catastrophe.

Tant que tu te contrôles, Leith. L'espace d'un instant, tu te demandes si ton frangin n'aurait pas un peu trop confiance en toi sur certaines choses. Es-tu au moins capable de garder quand le contrôle, dans de telles situations ? Si tu devais être parfaitement honnête, tu dirais que non. Mais pour le coup, tu préfères ne pas relancer le débat, tu en as assez entendu, tu en as assez dans la tête pour au moins le mois à venir alors … tu gardes le silence. « Je vois... » C'est tout ce que tu te contentes de lui dire. Tu l'avoues, savoir qu'elle avait potentiellement envoyer quelqu'un à sa place te surprends, quand bien même tu ne connais pas plus que ça cette jeune femme, il t'as semblé déceler tout autre chose en elle. Une hargne particulière qui, comme toi, la pousse probablement à s'occuper de ce genre d'affaires par elle même plutôt que de passer par un intermédiaire. Et ça te rassures. Manquerait plus que tu ai quelqu'un d'autre aux fesses en plus du reste.

« J'm'en souviendrais. » C'est ce que tu lui lances. Même pas un mot pour lui dire qu'au fond, t'es plutôt content qu'il soit dans le coin. Rien. « Je dois vraiment aller bosser. Si … si t'as un truc à me dire, pour tout ça, tu sais ou me trouver. »